Les Pecheurs de Perles. Théâtre des Champs-Elysées

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Les Pecheurs de Perles. Photo: Ugo PONTE
Les Pecheurs de Perles. Photo: Ugo PONTE

Georges Bizet n’avait que 25 ans quand il créa les Pêcheurs de Perles en 1863. Cet opéra en 3 actes sur un livret de Cormon et Carré fut repris dans une nouvelle version en 1893 après la mort de son compositeur.

Comme dans de nombreux livrets, on retrouver l’éternelle équation : 1 femme / 2 hommes.

Pour résumer très brièvement cette œuvre, l’action se déroule sur l’île de Ceylan. On y trouve Zurga et Nadir, 2 hommes dont l’amitié sincère et profonde est menacée par l’amour que porte la prêtresse Leïla à Nadir. Cette histoire mêlant amitié, amour et religion se terminera exceptionnellement bien, notamment pour les deux amoureux.

Les détracteurs des versions concertantes d’ouvrages lyriques (dont je ne suis pas), auront peut-être marqué un point avec cette représentation. Pour avoir assisté quelques jours auparavant à Lakmé de Léo Delibes à l’Opéra de Marseille en version scénique, force est de reconnaître qu’une version concertante peut limiter l’expression vocale et scénique de certains interprètes. Seulement de certains, puisque cela n’a pas été le cas pour le ténor Cyrille Dubois ni pour le baryton Florian Sempey.

Mon propos visait principalement la soprano Julie Fuchs qui semblait peu à l’aise dans ce rôle. Il n’est pas évident d’intégrer et de conserver tout au long de l’ouvrage la psychologie d’un personnage, planté devant un pupitre ! Sa voix parait banale, bien que le timbre soit agréable, mais surtout elle semble très détachée de ce qu’elle chante. Elle ne semble que peu concernée, qu’il s’agisse de solo ou de duo. Elle manque de sensualité, elle arrive, elle chante, elle repart, et on l’oublie. Ce résumé peut paraître méchant mais il exprime parfaitement mon ressenti et n’engage que moi.

Rien de comparable avec le ténor Cyrille Dubois qui, sans être un grand extraverti, arrive à s’imposer tout en douceur. Sa silhouette longiligne transmet une force tranquille. Sa voix, qui semble fluette, est conduite avec une telle intelligence qu’elle se plie avec aisance à toutes les difficultés du rôle. Chez lui tout est fluidité, élégance et raffinement. Aucune raideur, aucune brusquerie dans son chant, seulement un souffle infini qui nous emporte comme dans un rêve. Dans la très célèbre romande de l’acte I (« je crois entendre encor… ») il opte pour une interprétation en voix mixte qui lui permet d’atteindre le dernier aigu dans une plénitude remarquable. On suspend sa respiration par crainte de troubler ce moment magique et rare. L’exemple même du très beau chant français, que l’on croyait perdu depuis Alain Vanzo, mais qui est désormais ressuscité par ce ténor.

Un autre moment de beau chant avec le baryton Florian Sempey, en progrès constants. Il a encore fait preuve de tout son talent dans ce rôle qui s’ajoute à son répertoire. On connait sa puissance vocale, la richesse de son timbre, son expressivité, mais force est de constater qu’il s’est surpassé dans des aigus ayant surpris bon nombre de spectateurs. Il nous a également gratifié de superbes mezza voce, prouvant la grande souplesse de sa voix et sa facilité à la maîtriser (merci au répertoire du bel canto qu’il a beaucoup pratiqué). Assurément une grande carrière se profile pour ce jeune chanteur, tout en lui conseillant néanmoins la prudence quant à son choix d’ouvrages. Je pense notamment à sa dernière interprétation dans l’opéra de Donizetti « Lucia di Lammermoor » qui semblait l’avoir un peu poussé dans ses derniers retranchements par moment.

Très brèves, mais remarquées, interventions de la basse Luc Bertin-Hugault dont le timbre sombre est idéal pour cet ouvrage.

La direction de l’Orchestre National de Lille était confiée à son nouveau chef Alexandre Bloch, qui a succédé récemment à Jean-Claude Casadessus (d’ailleurs présent dans la salle). Le moins que l’on puisse dire c’est que sa direction est très énergique, parfois même un peu « brouillonne », entraînant parfois des excès au niveau de certains pupitres (percussions très/trop « wagnériennes »). Quelques débordements qui laissent une impression mitigée de manque de maitrise, mais en revanche une grande complicité avec les chanteurs.

Concernant le chœur des Cris de Paris, certains éléments se sont distingués mais pas vraiment positivement. Il sonnait souvent plus comme un ensemble d’individualités que comme une unité, donnant un résultat pas toujours agréable à entendre.

Néanmoins une belle soirée qui nous a permis d’entendre à nouveau un bel ouvrage français, interprété par des chanteurs 100% français, à la diction parfaite, rendant le surtitrage non indispensable : qu’ils en soient également remerciés pour cela.

Corinne LE GAC

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