Cosi fan tutte au Théatre Cuvilliés, Munich

Cosi fan tutte au Théatre Cuvilliés, Munich
Cosi fan tutte au Théatre Cuvilliés, Munich. Photo: Thomas Dashuber

Pour la nouvelle production de Cosi fan tutte jouée sur la scène du  Théâtre Cuvilliés par le Theater-am-Gärtnerplatz, le metteur en scène Olivier Tambosi joue sur la symétrie et la gemelléité, bien dans la ligne du livret de Lorenzo da Ponte et du titre de l´opéra. Symétrie des décors, dus à Bengt Gomér, tant pour le grand rideau d´avant-scène imprimé d´une immense photographie faciale des deux soeurs Fiordiligi et Dorabella, qui tout au long de l´opéra descendra et se relèvera comme un store, permettant par la même occasion des changements de décors rapides et efficaces, que pour le décor unique fait carrelages blancs uniformes qui font de la scène un immense laboratoire où pourra se dérouler l´expérimentation des jeux d´amour et d´(in)fidélité. Des piliers tout aussi carrelés permettent de former tantôt un banc, tantôt un podium, bien entendu symétrique, tantôt encore une table ou, au deuxième acte, les piliers carrelés d´un jardin fantastique, porteurs de boites de verre contenant peut-être des pommes et des serpents, auxquels sont venus s´ajouter de grands  troncs de bambous, le tout baignant dans une lumière surréelle (éclairages de Michael Heidinger), un jardin qui pourrait bien être celui de la tentation primordiale. Symétrie des costumes tant pour les deux soeurs que pour leurs soupirants. Carla Caminati a réalisé une fascinante garde-robe où le rouge règne en maître pour Fiordiligi et Dorabella, tant pour les robes à crinolines que pour leurs peignoirs de bain, un rouge éclatant qui contraste avec la blancheur du décor, Guilelmo et Ferrando étant vêtus de longues redingotes de soldats à brandebourgs et épaulettes ou de burnous et de turbans de bédouins. N´était-ce la taille, les costumes sont identiques. Les décors et la mise en scène y insistent, nous sommes tou(te)s pareil(le)s, formé(e)s sur le même moule. La mise en scène d´Olivier Tambosi va au coeur de la comédie et met surtout en lumière les six protagonistes avec des mouvements de scène parfaitement réglés. Tous les ingrédients sont réunis pour que le public passe une amusante soirée de divertissement musical. Tambosi nous rappelle aussi, mais était-ce bien nécessaire, que le sexe est le moteur de l´amour, en usant des procédés de la grosse farce grivoise: lorsque les deux soldats reviennent travestis en étrangers, ils portent des appareils photographiques munis de grands objectifs zooms opportunément placés à hauteur du bassin de Ferrando et Guilelmo et considérés avec grand intérêt par les deux jeunes femmes que la technique semble fasciner; plus tard, Despina travestie en docteur sort de son immense sacoche un objet mesmérien fait d´une longue et  tige de métal au diamètre suggestif et de deux boules aux étranges pouvoirs magnétiques. 

Le Cosi du Theater-am-Gärtnerplatz est servi par deux distributions différentes. On attendait hier soir la Fiordiligi de Magdalena Hinterdobler, mais elle dut être remplacée au pied levé, et c´est Jennifer O´Loughlin qui chante la partie dans la première distribution, qui vint heureusement tenir la partie, alors qu´elle venait de chanter le rôle la veille. On a récemment pu apprécier la chanteuse américaine en Semele ou en Constance, elle donne ici une Fiordiligi pétillante et pétulante, avec de magnifiques passages rapides de l´aigu au grave, notamment dans son très beau Come scoglio. Un malheur ne vient jamais seul, Maria Fiselier s´est blessée au pied au cours du premier acte, sans que le public s´en aperçoive et tout en continuant à jouer une Dorabella délicieusement ingénue. Elle reviendra la cheville bandée au second acte, tout en continaunt à jouer en talons hauts! La loi des séries s´est appliquée à cette soirée: Dean Power s´est efforcé de chanter la partie de Ferrando malgré une infection des voies respiratoires, et semblait timidement s´en excuser lors des applaudissemnts, alors qu´on avait tout au long de la soirée pu apprécier les luminosités dorées de son ténor. Cette accumulation d´aléas malheureux est surtout l´occasion de souligner le professionnalisme remarquable, la générosité et le dévouement de ces chanteurs, the show must go on! Le baryton croate Matija Meić chante un Guilelmo qui gagne en intensité de devient de  plus en plus convaincant au long de la soirée. Deux membres de la troupe, Holger Ohlmann et Elaine Ortiz Arandes, servent avec bonheur les rôles de Don Alfonso et de Despina. Ortiz Arandes excelle dans l´interprétation théâtrale du docteur et du notaire, avec un fausset des plus amusants.

Oleg Plashnikov dirige avec enjouement et bonhomie un orchestre bien maîtrisé, ce qui est rendu nécessaire par le volume réduit de la salle, en réussissant de beaux pianos. Le Theater-am-Gärtnerplatz rend toute la gaieté bouffonne et la vivacité pleine d´entrain du dramma giocoso de Mozart, et nous fait passer une excellente soirée.

Luc Roger