DANCE 2017: Richard Siegal fait la différence en ouverture du Festival

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DANCE 2017: Richard Siegal fait la différence en ouverture du Festival
DANCE 2017: Richard Siegal fait la différence en ouverture du Festival

Dans ses trois nouvelles productions présentées pour la première fois au Festival DANCE 2017 de Munich, le chorégraphe américain Richard Siegal repousse une nouvelle fois les limites du possible dans un travail aussi puissant qu’explosif. Cette année, il vient de  fonder une nouvelle compagnie, Richard Siegal / Ballet of Difference , dont le manifeste déploie les diverses facettes d’un immense OUI à la vie: oui au ballet, oui à la différence, oui au corps, oui à l’esprit, oui à la diversité, oui à l’égalité, oui à la sexualité, oui à la fluidité des identités… OUI, OUI, OUI! 

Richard Siegal / Ballet de différence effectue un travail alternatif pointu de remise en question des stéréotypes sociaux. Un programme qui évoque la différence et dont la différence constitue le programme: la compagnie réunit des danseurs issus de différentes nations et cultures et qui chacun influence la danse par son apport propre, nourri de ses origines Les danseurs et danseuses proviennent  en partie de la scène internationale indépendante, en partie d’ensembles établis tels que le  Cedar Lake Contemporary Ballet  ou le Ballet d’État de Bavière (Bayerisches Staatsballett).  La nouvelle compagnie  est basée à Munich.

Le Festival DANCE 2017 de Munich nous a offert en primeur le premier spectacle en triptyque de la jeune compagnie, un projet coproduit par la Schauspielhaus de Cologne, qui présentera le spectacle au mois de juillet prochain.

Dans la première partie, intitulée BOD (les initiales de Ballet of Difference), Siegal explore les questions de la mondialisation actuelle, qui voit le déclin des identités nationales et l’émergence de nouvelles formes de diversité. C’est surtout en Europe que se manifeste actuellement une diversité plurielle multicolore issue du mélange de perspectives, d’idéologies et de modes de vie très différents. La musique est du DJ Haram et les costumes aux couleurs kaléidoscopiques et dont les tubulures futuristes soulignent et  individualisent différentes parties des corps sont de Chromat / Becca Mccharen

La deuxième partie est la plus intimiste, et sans doute la plus dérangeante des trois créations de la soirée. Dans ses Excerpts of a future work on the subject of Chelsea Manning, composé pour deux danseurs et une danseuse et un choeur de danseurs, Siegal explore sur des musiques de Josiah Wise Aka Serpentwithfeet la transformation transgenre de la célèbre  ancienne analyste militaire de l’armée des États-Unis de nationalité américano-britannique incarcérée pour trahison, Chelsea Manning, née Bradley Edward Manning le 17 décembre 1987 dans l’Oklahoma. Manning avait transmis en 2010 à WikiLeaks différents documents militaires classifiés, dont notamment des documents sur les morts de civils pendant la guerre d’Afghanistan (Afghan War Diary) et une vidéo d’une bavure américaine lors de la guerre d’Irak (raid aérien du 12 juillet 2007 à Bagdad). Cette diffusion d’informations lui avait valu d’être condamnée le 21 août 2013 à trente-cinq ans de prison. Au lendemain de sa condamnation, Manning avait déclaré être transgenre et avait entamé des démarches pour changer d’identité et prendre le prénom de Chelsea. Le 23 avril 2014, la justice américaine a reconnu le changement de nom de Manning, qui s’appelle désormais officiellement Chelsea Elizabeth Manning tout en demeurant légalement considérée comme un homme. En février 2015, l’armée avait autorisé Manning à entamer son traitement hormonal, et le mois suivant, la Cour d’appel de l’US Army statuait que Chelsea Manning doit être désignée via des pronoms féminins ou neutres. Récemment, le 17 janvier 2017, l’administration Obama a décidé de commuer la peine de Manning, rendant possible sa libération le 17 mai 2017. Les trois sous-titres des Excerpts décrivent la progression chorégraphique du travail de transformation de Chelsea Manning: la prise de conscience (Lady Gaga/ I’m starting to feel), le travail de la décision (I want, show me yourself) et enfin une réflexion sur la vérité et le mensonge (Lie to me / Forgiveness has not forgiven it). Les danseurs (Diego Tortelli, Navarra Novy Williams et Joaquim de Santana) livrent un travail confondant d’intensité et de pénétration psychologique, avec des moments d’expression crue du refus des parties du physique qui ne correspondent pas à l’identité réelle de la personne et qui se doivent arracher comme un corps étranger. 

La troisième partie, intitulée Pop HD. résulte d’ un travail de remaniement de My Generation, une production new-yorkaise que Richard Siegal avait réalisée en 2015 avec les danseurs de la compagnie américaine Cedar Lake Contemporary Ballet, juste avant sa dissolution .La musique est l’oeuvre du musicien berlinois Uwe Schmidt, alias Atom TM, dont l’album a également inspiré le titre. Les extraordinaires costumes, qui souligent la fluidité des genres, ont été dessinés par le styliste allemand Bernhard Wilhelm. Le spectacle Pop HD  participe à la fois de la célébration et d’une critique acerbe de la culture pop post-moderne du 21ème siècle.

On sort bouleversés et touchés au coeur par ce triple spectacle d’une intensité peu commune exécuté par une compagnie aux talents incomparables et qui a récolté une fantastique ovation. Munich ne peut que se réjouir de l’installation de la compagnie sur son sol, ce qui lui vaudra des lendemains qui dansent dans l’exaltation de la différence!

Voir aussi le site de la nouvelle compagnie

Luc Roger

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