Hansel et Gretel. Humperdinck. Toulouse

Hansel-y-Gretel.-

Conte lyrique en trois actes (1893)

Compositeur : Engelbert Humperdinck (1854-1921)

Adaptation française : Catulle Mendes

Interprètes :

Gretel: Vanina Santono

Hänsel: Silvia de la Muela

La sorcière (Grignotte) : Jeannette Fischer

Gertrude: Diane Montague

Pierre: Jean-Philippe Lafont

Le marchand de sable/Le Bonhomme Rosée : Katouna Gadelia

Direction musicale : Claus Peter Flor

Mise en scène : Andreas Basler

Théâtre du Capitole de Toulouse

27 décembre 2013

Pour ces fêtes de fin d’année, ce n’est pas un ouvrage très répandu en France que la direction du Capitole de Toulouse nous offre. Pas d’Offenbach, qui nous permettrait de lever la jambe, mais pas non plus de Puccini pour pleurer la pauvre Mimi qui se meure dans sa misérable chambre. Plutôt un ouvrage entre ces deux extrêmes : un conte lyrique pour les enfants…. et les parents. Pour les enfants parce qu’au départ il s’agit de reprendre l’histoire du Petit Poucet, mais aussi pour les parents parce qu’écrit par Engelbert Humperdinck qui a eu la chance d’être invité par Richard Wagner à Bayreuth et de voir cette œuvre dirigée par Richard Strauss. Il s’agit donc d’un joli conte pour enfants sur une musique sérieuse, quoique pas toujours!

Humperdinck a écrit 7 opéras («La belle au bois dormant», »Le mariage forcé», »Les vivandières») mais seul Hansel et Gretel est resté à l’affiche de toutes les grandes scènes allemandes dans un premier temps, avant de conquérir un plus vaste public. On ne peut passer sous silence l’influence de Wagner dans la composition musicale de cette œuvre, mais ce qui prédomine est un grand romantisme non ennuyeux comme peuvent l’être certaines pages du grand maître.

Le metteur en scène (Andréas Basler) s’approprie l’histoire inspirée du Petit Poucet pour la remodeler à sa façon. Ici pas de misérabilisme exagéré, pas d’enfants mal habillés ou squelettiques. Nous sommes dans la demeure d’une famille bourgeoise, mais en raison de revers de fortune du père (Pierre) les huissiers viennent saisir les meubles et les bijoux ; pour échapper à ces histoires d’adultes, les enfants se réfugient dans leur monde. Le spectateur est alors plongé dans un univers mêlant réalité et rêve, les deux se confondant si étroitement qu’ils sèment le trouble dans notre esprit. Le songe devient plus précis lorsque nous retrouvons les enfants endormis dans la forêt avec notamment le tableau du marchand de sable particulièrement réussi. Il s’agit là d’un pur moment de douceur et de tendresse infinie, d’une rare élégance tant sur le plan visuel ainsi qu’au niveau musical et vocal ; nous nous laissons emporter par ce ravissement et redevenons des enfants. La magie opère également lors de l’apparition des anges veillant sur le sommeil des enfants à la fin du premier acte ; ils portent perruques et somptueux costumes entièrement blancs et la musique à ce moment précis atteint un sommet de grand romantisme. Le deuxième acte nous plonge non pas dans l’horreur, puisqu’il s’agit d’un conte pour enfants, mais néanmoins dans l’univers de la sorcière Grignotte qui attire les enfants avec des sucreries pour ensuite les faire cuire dans son four et les transformer en pain d’épice dont elle se régale. Ici la sorcière à les traits de la gouvernante des enfants, mais la transformation est si crédible qu’on se laisse facilement prendre dans ses filets. Il faudra toute l’imagination, la ruse, et la solidarité sans faille des enfants pour arriver à s’en débarrasser définitivement. Elle est alors victime de son propre piège et finira dans son four, poussée par Hänsel et Gretel ; l’explosion du four permettra de délivrer tous les enfants enlevés et condamnés à être transformés en pain d’épice et dévorés par la sorcière. Il suffira que nos deux héros les touchent pour leur redonner vie, comme d’un coup de baguette magique, conte oblige ! L’ouvrage se termine dans la maison où toute la famille est à nouveau réunie, en espérant que cette histoire servira d’exemple aux enfants mais aussi aux parents.

Vocalement rien à redire : nous frôlons la perfection! Les deux chanteuses interprétant les enfants sont parfaites, même si la version française n’avantage pas Silvia De La Muela (Hänsel). La mère (Gertrude) interprétée par Diane Montague est parfaitement à sa place, avec parfois quelques notes aigues un peu tirées. En revanche, rien à reprocher à Jean-Philippe Lafont dans le rôle du père (Pierre), je dirais même au contraire. Il semble avoir retrouvé une seconde jeunesse vocale avec cette partition qui le sollicite particulièrement dans le registre haut ; la voix sonne claire, le vibrato est maitrisé et l’acteur toujours aussi crédible et attachant : une bouffée d’oxygène ! Il ne faut pas non plus passer sous silence l’excellente prestation de la sorcière (Grignotte) incarnée ici par Jeannette Fischer, aussi à l’aise vocalement que scéniquement: un grand moment digne du meilleur Tim Burton!

Enfin, l’ouvrage ne pourrait pas exister sans la grande tenue de l’orchestre dirigé de main de maître par le chef allemand Claus Peter Flor; tous les pupitres sont très sollicités et nous livrent le meilleur d’eux-mêmes : un grand bravo à tous. Bravo aussi et merci au Théâtre du Capitole de Toulouse de nous avoir fait découvrir cette œuvre, qui a toute sa place sur nos scènes françaises.

Corinne Legac