Opéra en trois actes (1827)
Livret : Etienne DE JOUY
Dois-je avoir honte de l’avouer, ou est-ce une preuve d’honnêteté de ma part, mais j’ose écrire que je ne connaissais pas du tout SPONTINI ni son œuvre LA VESTALE avant de l’avoir vue affichée au programme du Théâtre des Champs-Elysées. Etant curieuse de nature je me suis donc lancée dans cette aventure et je vais essayer de vous faire partager ma découverte.
Le compositeur italien Gaspare SPONTINI (1774-1851) connu la notoriété avec LA VESTALE créée à PARIS en 1807, faisant oublier rapidement ses précédentes œuvres (« L’éroismo ridicolo » « Il Téséo Riconoscuito » ou « Adelina Senese »). Le livret d’Etienne DE JOUY s’inspire d’un drame romain dénonçant la barbarie des vœux religieux, mais il était impensable de ne pas modifier la fin initiale qui voyait les deux amants condamnés au bucher se suicider pour y échapper. Estimant que leur amour avait été suffisamment éprouvé tout au long de l’œuvre, une foudre bienvenue enflamma la tunique souillée de la vestale coupable, rendant ainsi le pardon des dieux indiscutable et l’ouvrage se concluant de ce fait par une fin heureuse.
L’histoire est simple : une jeune fille (Julia) est amoureuse d’un général romain (Licinius) mais le pontife décide de la consacrer exclusivement au temple de Vesta. Ne pouvant se soustraire à cette décision elle devient malgré elle une vestale, renonçant de ce fait à son bonheur. Son amoureux Licinius n’accepte pas cette décision et décide de l’aimer malgré tout ce que cela va impliquer. Il ira jusqu’au temple sacré lui déclarer son amour, provoquant ainsi l’extinction du feu sacré sur lequel elle devait veiller. Voulant protéger son amant, elle se déclare seule coupable et les prêtres la condamnent à l’enfer. Licinius, aidé de son ami Cinna qui a formé une armée, décide de l’arracher par la force à son trépas ou de mourir avec elle. L’opposition entre les prêtres menés par le pontife et les partisans de Licinius et Cinna est particulièrement violente. La grande prêtresse, touchée par la sincérité des amants, provoque l’allumage de la flamme qui détruira la tunique souillée de Julia et sera interprété comme un signe de pardon des Dieux. Devant ce message divin les prêtres s’inclineront et les deux amants pourront enfin donner libre cours à leur bonheur.
La production que nous offre le Théâtre des Champs-Elysées repose sur une belle direction d’orchestre (Jérémie RHORER), une solide distribution, mais une mise en scène loin d’être idéale même s’il y a quelques trop rares bonnes idées. En revanche les décors sont presque inexistants et les costumes féminins ridicules et misérables. Que sont laids et minables ces manteaux portés sur ces chemises de nuit aux longueurs et formes différentes ! Le contraste est d’autant plus remarquable que les tenues masculines sont fort agréables à regarder, sachant mettre en valeur la plastique de ceux qui les portent et en particulier Licinius. Je découvre que le metteur en scène Eric LACASCADE fréquente le répertoire théâtral depuis plus de 30 ans. Comme beaucoup de ses confrères, il n’a pas compris que l’art lyrique à des exigences très différentes de celle du théâtre. Un acteur doit se contenter de dire son texte alors qu’un chanteur lyrique doit le faire sur de la musique, c’est-à-dire en respectant des tempis très précis. On demande de plus en plus aux chanteurs d’opéras d’être des comédiens qui chantent, mais c’est souvent au détriment du respect de la ligne musicale ; dans cette production nous en avons eu quelques exemples avec notamment des décalages flagrants entre le chef et les solistes. Je ne m’étendrai pas sur les fleurs posées sur le sol mais mises à mal par les longues robes des prêtres, ni sur la course ridicule autour de ce qui est censé représenter le foyer sacré. Le passage le plus réussi scéniquement parlant est incontestablement le tableau du temple au début de l’acte 2. En revanche, la course burlesque des 2 amants à la fin de l’ouvrage relève du plus mauvais navet cinématographique.
Vocalement cet ouvrage requiert des interprètes très résistants ; il n’y pas de très grandes difficultés vocales, pas d’aigus meurtriers, mais énormément de dialogues enchaînant avec des duos particulièrement longs. Tous les chanteurs étaient parfaitement à leur place et certains particulièrement très inspirés par leur personnage. Je pense surtout à Ermonela JAHO qui possède complètement le rôle de Julia et dont l’interprétation scénique arrive facilement à nous faire oublier un timbre qui n’est pas parmi les plus jolis mais surtout quelques aigus tirés et acides. Son partenaire et amant sur scène le ténor Andrew RICHARD ne possède pas seulement une belle plastique, fort bien mise en valeur par son beau costume, mais il est aussi un chanteur à la ligne musicale agréable et aux qualités vocales évidentes malgré un volume sonore légèrement réduit. Ils font tous les deux beaucoup d’efforts pour prononcer correctement notre langue mais le sur titrage est souvent indispensable. En revanche il est totalement inutile pour Jean-François BORRAS (Cinna) qui nous charme par sa belle clarté de timbre et sa diction frôlant la perfection. On en vient à regretter qu’il ne chante pas plus longtemps et on imagine combien il aurait pu être parfait dans le rôle de Licinius : peut-être n’en n’avait il pas la plastique ? Les sous-titres ne sont pas non plus utiles pour Béatrice URIA-MONZON qui campe ici une grande prêtresse toute en contraste, passant de la froideur de l’autorité à la compréhension des sentiments amoureux, se rappelant ainsi qu’elle n’est pas seulement une prêtresse mais aussi une femme. Félicitation aux chœurs féminins et masculins, élément indispensable de cette œuvre, et à l’orchestre fort bien dirigé par son chef Jérémie RHORER.
Musicalement parlant cet ouvrage n’est pas un chef d’œuvre mais il ne mérite pas non plus de rester dans les armoires des théâtres ; une belle et véritable mise en scène intelligente l’aiderait certainement à sortir de son oubli. Merci au Théâtre des Champs-Elysées d’avoir retrouvé la clé du placard !
Interprètes :
Julia : Ermonela JAHO
Licinius : Andrew RICHARDS
La Grande Vestale : Béatrice URIA-MONZON
Cinna : Jean-François BORRAS
Le Pontife : Konstantin GORNY
Direction musicale : Jérémie RHORER
Mise en scène : Eric LACASCADE
Le Cercle de l’Harmonie – Chœur Aedes
Théâtre des Champs-Elysées
Vendredi 25 octobre 2013
Corinne Legac