Le dernier jour d'un condamne. Alagna. Avignon

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Opéra en deux actes et un intermezzo

Musique : David ALAGNA

Livret : Roberto, David et Frédérico ALAGNA D’après le roman de : Victor HUGO

Un choc ! Voilà ce que l’on ressent tout au long de cet ouvrage que nous offre l’Opéra Grand Avignon. « Le dernier jour d’un condamné » est un puissant plaidoyer contre la peine de mort, d’après le superbe roman de Victor Hugo, et l’adaptation qu’en a fait la fratrie ALAGNA ne fait que renforcer cette impression d’oppression. La musique de David ALAGNA est à la fois pleine de douceur et de lyrisme, mais également d’une rare violence qui n’est pas sans rappeler celle de Chostakovitch notamment dans « Lady Macbeth de Mzsensk » ou Moussorgski dans « Boris Godounov ». La mise en scène de Nadine DUFFAUT est claire, lisible et efficace. Elle a fait le choix de couper la scène en deux parties distinctes, deux époques différentes, mais un seul sujet identique : deux condamnés à mort vont mourir ! Qu’il s’agisse du prisonnier de 1820 dans son cachot minable ou de la condamnée américaine des années 2000 dans sa prison aux murs carrelés de blanc, peu importe : l’histoire est la même. Ces deux personnes, bien que coupables, vivent leurs dernières heures, repensent aux gens qu’ils laissent derrière eux. Parfois ils acceptent leur sort, parfois ils se révoltent, mais rien ni fait : ils vont mourir ! Il y a une véritable connexion invisible entre ces deux personnages qui ne se croisent jamais tout en étant parfaitement interchangeables, comme le prouve l’image finale.

Un très beau travail d’interprétation également de la part de tous les protagonistes et en priorité Adina AARON et Roberto ALAGNA. Si quelques grincheux ont écrit un jour que Roberto ALAGNA n’était qu’un chanteur et un piètre comédien, qu’ils viennent le voir dans ce rôle pour juger du contraire parce qu’il atteint ici son paroxysme d’interprétation. Comment ne pas trembler devant sa révolte lorsqu’il saccage sa geôle ? Comment ne pas avoir le cœur serré lorsqu’il entonne son air du 2ème acte «… qu’on m’aille donc chercher quelque jeune vicaire… » ? Comment ne pas pleurer lorsqu’il réclame encore quelques minutes de vie avant de mourir ? Impossible de rester insensible à tout cela à moins d’avoir le cœur sec ! Même vocalement il va au bout de ses limites, repoussant la frontière du possible jusqu’à l’impossible, sans jamais l’atteindre. Il donne toujours le meilleur de lui-même, ne triche pas dans ses interprétations, mais cette fois il a est arrivé à un niveau jamais encore égalé : du Grand Art !!! Non seulement il est dans un état vocal éblouissant mais comme toujours nous ne ratons pas un mot du texte grâce à cette diction si parfaite et cette prononciation exemplaire qui ne trouve pas d’équivalent actuellement.

Sa partenaire Adana AARON nous gratifie elle aussi d’un français très intelligible (même si l’on entend parfois qu’elle est étrangère), ce qui est fort appréciable. La partition redoutable la prend parfois un peu en défaut dans les extrêmes aigus mais dans l’ensemble sa prestation est excellente tant au niveau vocal que sur le plan de son interprétation scénique qui ne souffre aucun reproche majeur.

Tous les autres protagonistes tiennent parfaitement leur place, même si leurs interventions sont un peu éclipsées par les deux rôles principaux, avec notamment une intervention très remarquée de Christian HELMER dans le rôle bref mais intense du Friauche. Belle direction d’orchestre de la part de Balazs KOCSAR qui ne laisse jamais les pupitres couvrir les chanteurs malgré une écriture souvent violente. Les chœurs sont également bien en place et je ne voudrais pas oublier de féliciter le travail de la décoratrice, de l’éclairagiste et de la costumière qui ont largement contribués au succès de ce spectacle.

On a l’habitude de dire qu’une première n’est pas toujours au point mais cette fois-ci ce n’est pas le cas comme le prouvent les dix minutes de rappel en fin d’ouvrage. Il est vrai que l’Opéra Grand Avignon a la chance de bénéficier d’un plateau tournant, ce qui évite ainsi les interminables changements de décors de certains autres théâtres.

Un grand merci à la Direction d’avoir pris le risque de monter cette production, en espérant que d’autres scènes suivront cet exemple, et surtout un grand bravo à l’ensemble des intervenants.

Corinne LE GAC

Interprètes :

Adina AARON (La condamnée)

Roberto ALAGNA (Le condamné)

Luc BERTIN-HUGAULT (Le bourreau)

Jean-Marie DELPAS (L’huissier)

Philippe ERMELIER (Le geôlier)

Christian HELMER (Le friauche)

Jean-Marie FREMEAU (Le prêtre)

Alain GABRIEL (Le procureur)

Eric MARTIN-BONNET (L’aumônier)

Direction musicale : Balàzs KOCSAR

Mise en scène : Nadine DUFAUT

Costumes : Katia DUFLOT

Lumières : Philippe GROSPERRIN

Décors : Emanuelle FAVRE

Chœur et orchestre de l’Opéra Grand Avignon; Chœur de l’Opéra de Tours

Avignon – Dimanche 9 Mars 2014