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O Paradis! Jonas Kaufmann qui vient de sortir un album dédié au répertoire français donne le même titre à son concert dont le programme est très similaire à celui de son cd. Le concert nous entraîne dans une visite-découverte exquise de l’opéra français du 19ème siècle de Meyerbeer à Massenet, en passant par Berlioz, Thomas, le Don Carlos version française de Verdi, Offenbach, Gounod et Bizet.
La soirée a alterné des ouvertures et prologues célèbres avec des airs non moins célèbres, séduisant un public conquis d’avance qui retrouve des airs connus dans une qualité d’exécution sans pareille: Bertrand de Billy conduit l’Orchestre d’Etat de Bavière avec l’enjouement, la souplesse et la légèreté qui conviennent à nombre des morceaux choisis, favorisant les remarquables capacités d’unisson de l’orchestre sur lesquelles se détachent, admirables de précision, les solos des instrumentistes. La Barcarolle d’Offenbach, la Marche hongroise de la Damnation de Faust, le ballet valsé de Gounod, ou la Méditation de Thais,…, forment comme l’écrin sonore dans lequel brillent les douceurs nacrées et les éclats du ténor dramatique qui déploie une science des effets fascinante.
Jonas Kaufmann aborde ce répertoire en optant le plus souvent pour un chant stylisé qui privilégie le travail parfaitement maîtrisé des piani. La projection de la voix, la qualité de l’articulation et de la diction du français atteignent chez Kaufmann de rares degrés de perfection: le ténor ne force jamais le ton, ne recherche pas les effets faciles, mais travaille tout en subtilité avec autant d’aisance que d’élégance. L’air de Faust de la Damnation de Berlioz est chanté de manière intime, le chanteur module un chant intériorisé qui exprime avec subtilité les qualités du silence où vient s’épanouir le bonheur retrouvé. Ces mêmes qualités se retrouvent par exemple au final de l’air de Don José dans lequel le derniers vers est exprimé comme l’énoncé d’un poème qui magnifie la profondeur et la tendresse.
Le duo de Rodrigue et de Don Carlos et plus déchirant, et travaillé plus en force avec un Ludovic Tézier puissant, magistral et suprême dans la profondeur de l’interprétation psychologique de Don Carlos, qui fait vibrer le public, tant on sent la passion de Tézier pour Verdi. Bien plus faible est le duo Manon Des Grieux, auquel Diana Damrau, souffrante, a dû renoncer pour être remplacée au pied levé par la soprano albanaise Ermonela Jaho, qui, si elle a la puissance et la force d’expression dramatique (voir la photo), ne parvient pas à déployer les variations de l’expression émotionnelle. Ermonela Jaho, qui répète actuellement à Munich le rôle de Suor Angelica pour lequel elle est très attendue, n’a peut-être pu bénéficier de répétitions suffisantes.
Jonas Kaufmann fait un triomphe avec applaudissements et trépignations. Il donnera trois bis: Massenet encore avec le rêve de Des Grieux et Pourquoi me réveiller de Werther, puis, clin d’oeil appuyé et amusé à la période, un Minuit Chrétiens chanté en français, puis en allemand et à trois voix.
Luc Roger
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