Luciano Berio et Franz Schubert dans un concert très applaudi du Münchner Symphoniker à la Résidence de Munich

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Luciano Berio
La mezzo-soprano Stefanie Irányi (crédit photographique Christian Debus)

C´est dans la majestueuse salle Hercule de la Résidence munichoise que le Münchner Symphoniker (Orchestre symphonique de Munich) nous a présenté hier soir le deuxième volet de son Roman musical en quatre tomes avec au programme des oeuvres de Berio et la 9ème Symphonie en ut majeur de Schubert, la dernière que le compositeur viennois ait achevée.

Luciano Berio occupait toute la première partie. On put d´abord entendre les très enjouées Variations sur un thème de Boccherini. En dehors de ses compositions propres, Berio s´est également attaché à la transcription d’autres œuvres, souvent en hommage à leurs compositeurs respectifs. C´est ainsi qu´en 1975 Berio se vit commander par l’Orchestre de La Scala la composition d´une courte pièce qui devait servir d’ouverture. Il choisit d´utiliser une composition existante comme base de sa nouvelle composition: le quintet Musica notturna delle strade di Madrid de Bocccherini,dont il tira ses Onze variations sur un thème de Boccherini, une oeuvre dont le rythme allègre et entraînant est constamment soutenu par le battement des tambours. 

Les variations furent suivies des Folk Songs, que Berio écrivit en 1964 pour sa femme, la mezzo-soprano Cathy Berberian.  Il s´agit de onze chansons folkloriques provenant de divers horizons, entre autres des États-Unis, d’Arménie, d´Azerbaidjan, de Provence, de Sicile, du Génovois et de Sardaigne. Le compositeur en a retravaillé les rythmes et les harmonies en utilisant des techniques vocales extraordinaires. La version des chansons folkloriques pour orchestre symphonique et mezzo-soprano date de 1973. Elle a été interprétée un an plus tard aux Etats-Unis par l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles sous la direction de Luciano Berio et avec Cathy Berberian en soliste. Pour son concert, le Münchner Symphoniker a invité la mezzo-soprano bavaroise StefanieIrányi, une chanteuse qui a grandi dans le Chiemgau et fait ses classes à la Haute école de Musique et de Théâtre de Munich. Une chanteuse talentueuse qui a remporté de nombreux concours, dont le Concours international Robert Schumann à Zwickau et le Concours National de Chant à Berlin. De nombreux enregistrements de CDs documentent le travail artistique de Stefanie Irányi. Ainsi de ce CD en duo avec Michael Volle, publié par Brilliant Classics, ou d´un CD solo intitulé Lamenti avec des airs d’opéras de Hasse, Haydn et Haendel. Pour la soirée d´hier, Stefanie Irányi a travaillé sans filet en réalisant l´exploit de mémoriser tout le cycle de mélodies populaires deBerio, un exploit d´autant plus remarquable qu´il s´agit d´assimiler et d´intepréter ces chansons dont les textes sont rédigés dans pas moins de six langues (l´anglais, le francais, l´arménien, l´italien, le sarde et l´azéri pour la dernière chanson dont un des vers est composé en russe…) et dialectes puisque les chansons italiennes sont écrites en sicilien et génovois et les chansons francaises en occitan.  Stefanie Irányi, très séduisante dans une`magnifique robe noire moirée de gris à ruchés,  a livré un travail impressionnant, se jouant des difficultés de prononciation, passant d´une langue ou d´un dialecte à l´autre comme si de rien n´était, avec un mezzo profond et chaleureux. 

Schubert ensuite avec La Symphonie no 9 en ut majeur, D. 944, connue sous le nom deGrande Symphonie, la dernière à avoir été achevée par le compositeur. Une grande pièce musicale de près d´une heure, superbement dirigée par Kevin John Edusei, qui en développe les thèmes et la redondance des rythmes subtilement différenciés, et qui fait ressortir les lignes mélodiques si caractéristiques de la composition. On sort ensorcelés par l´interprétation qu´en donnent ce chef inspiré et un Münchner Symphoniker dont on percoit l´enthousiasme. Schumann, qui avait reçu des manuscrits inédits d´un frère de Schubert, avait fait exécuter cette oeuvre  qu´il considérait comme la plus grande pièce orchestrale depuis la mort de Beethoven, en en confiant la direction à Félix Mendelssohn.

Cette soirée musicale haute en couleurs fut couronnée d´applaudissements nourris, saluant le travail conjoint du Münchner Symphoniker et de son élégant directeur musical Kevin John Edusei.

Luc Roger

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