Madame SANS-GENE.Giordano. Montpellier

Madame-Saint-Gene.Giordano.-Montpellier
Montpellier.  19 juillet 2013
Qui connaît l’opéra « Madame SANS-GENE » de Umberto GIORDANO ? Honnêtement je dois avouer que je n’avais jamais entendu parler de cette œuvre avant de découvrir son nom sur le programme du Festival de Radio France et Montpellier édition 2013. Il faut d’ailleurs remercier ce festival qui depuis longtemps nous fait découvrir des ouvrages rarissimes dont certains, comme celui-ci, présentent un grand intérêt.
Cette œuvre a été créée au Métropolitain Opéra de New York en 1915 sous la direction de Toscanini avant de sombrer dans un oubli total, si ce n’est deux enregistrements (dont un avec Mirella FRENI) qui permettent de s’en faire une petite idée ; le livret est inspiré de la pièce historique éponyme de Victorien SARDOU créée à PARIS en 1893.
Quels sont les ouvrages de GIORDANO que nous connaissons ? Le premier qui nous vient à l’esprit est incontestablement son chef-d’œuvre « André CHENIER » ; on peut ensuite citer « FEDORA » et encore moins surement « SIBERIA » mais sans doute aucun autre.
Cette « Madame SANS-GENE » n’est pas sans rappeler « André CHENIER » sur de nombreux points, qu’il s’agisse de la période historique à laquelle elle fait allusion mais également au niveau de la composition musicale. Le premier acte nous plonge en pleine révolution française et plus exactement le jour de la chute des Tuileries et donc de la Monarchie (10 août 1792) ; les cuivres sonnent forts et joyeux et nous y entendons de célèbres refrains composés pour l’occasion tels que « La Carmagnole » ou « ça ira, ça ira » qui donnent immédiatement le ton. Traitée sur un mode léger et humoristique (les dialogues sont savoureux), cette révolution va peu à peu prendre un tour plus sérieux lorsque l’aristocratie voudra imposer ses règles à cette femme du peuple. Car le nœud de l’ouvrage est là : comment une simple blanchisseuse, une vivandière au franc parler, pourrait-elle être l’égale de la noblesse seulement sur son titre de duchesse ? Rien dans ses manières ne peut l’élever à ce rang, mais c’est oublier que cette femme a plus de cœur et d’honneur que toutes celles qui la raille. Elle le prouvera à maintes occasions et notamment à l’acte 2 lorsqu’elle recueillera NEIPPERG, un soldat ennemi puisque Autrichien, mais pour elle tout simplement un homme blessé qu’elle doit secourir. Du point de vue de la composition musicale, son air final de l’acte 2 nous fait penser à celui de Madeleine de COIGNY (« … la mamma morta…«)  dans « ANDRE CHENIER » ; la même force de conviction, la même émotion, la même humilité, sans oublier l’honneur !

Merci à Iano TAMAR d’avoir incarné ce personnage avec autant de vérité et de professionnalisme, mettant au service de cette partition sa belle voix fine mais oh combien harmonieuse. Le rôle de LEFEBVRE interprété par le jeune ténor américain Adam DIEGEL nous offre des airs particulièrement intéressants, qu’il s’agisse de celui de l’acte 1 « E venga il meglio… » ou de sa déclaration d’amour de l’acte 2 « …questa tua bocca… ». Nous avons affaire ici à une écriture vocale très structurée et particulièrement difficile à chanter ; la ligne est tendue, les aigus meurtriers, mais cela ne pose aucun problème à ce jeune chanteur qui doit être un remarquable PINKERTON dans le « MADAME BUTTERFLY » de PUCCINI : ce nom est à retenir !
Dans cet ouvrage il y a de nombreux personnages dont les interventions sont très épisodiques, mais néanmoins dignes d’intérêt. Je pense particulièrement au trio d’entrée de l’acte 2 composé de deux barytons (Florian SEMPEY et Michal PARTYKA) et d’un ténor (Mattéo MEZZARO). La leçon de danse et de bonnes manières délivrée par ces trois protagonistes à Madame SANS-GENE est un moment tout à fait exquis, superbement « mis en scène » (si j’ose dire puisqu’il s’agit d’une version concertante) et vocalement parfait : merci à tous les trois.
Le moment fort de l’œuvre reste évidemment la rencontre, à l’acte 3, entre Madame SANS-GENE et NAPOLEON BONAPARTE interprété par le baryton Franck FERRARI. Ce dernier, fort de son titre d’empereur et de l’autorité qui en découle, pense imposer sa volonté à cette femme mais c’est mal la connaître. Elle lui tient un discours respectueux mais affirme sa forte personnalité et défend son honneur bec et ongles, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Elle obtiendra ainsi la grâce de NEIPPERG et conservera à la fois son titre et son mari.

Les chœurs et l’orchestre étaient placés sous la direction de Marco ZAMBELLI, qui n’a pas toujours su éviter une surenchère sonore au niveau des cuivres, mais dont le travail avec les chanteurs a été remarquable.

Cet ouvrage était présenté sous forme de concert mais il mérite largement d’être joué dans une mise en scène respectueuse, avec des décors raffinés et de très élégants costumes.
Donc Messieurs les directeurs de salles lyriques, sachez prendre des risques et proposez nous rapidement ce petit chef d’œuvre qui enchantera plus d’un public !

Opéra comique en trois actes
Compositeur :        Umberto GIORDANO (1867-1948)
Livret :         Renato SIMONI
D’après la comédie historique de Victorien SARDOU et Emile MOREAU

Interprètes :

Madame Sans-Gêne :    Iano TAMAR
Lefebvre :        Adam DIEGEL (remplaçant Marcello GIORDANI)
Napoléon :        Franck FERRARI
Fouché :        Franco POMPONI
Neipperg :        Pablo KARAMAN
Toniotta :        Lara MATTEINI
Giulia :        Chiara PIERETTI
Elisa :            Ilaria ZANETTI
Despreaux :        Matteo MEZZARO
Leroy :            Florian SEMPEY
Gelsomino :        Michal PARTYKA
Roustan :        Gundars DZILUMS
Vinaigre :        Franck BARD

Chœur et Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon
Direction :        Marco ZAMBELLI