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Lyrique au cœur. Quel joli nom porté par cette association pour illustrer les Classes de Maître qui se déroulent au mois d’Août toutes les années dans le cadre prestigieux de l’Abbaye Aux Dames à Saintes. Cette jolie ville de Charente Maritime est célèbre pour son festival international consacré à la musique, mais pas à l’opéra. En marge de ce festival, l’association a pour but de promouvoir l’Art Lyrique auprès de tous ceux qui veulent le découvrir, mais aussi de permettre à de jeunes chanteurs de se perfectionner dans leur discipline. C’est ainsi que pendant la période estivale de grands interprètes viennent régulièrement pour faire partager ce qu’ils ont eux-mêmes appris. Après Madame Térésa Berganza, cette année c’est au tour de Monsieur Jean-Philippe Lafont de transmettre. Ensuite ce sera Madame Martine March, professeur au Conservatoire, qui continuera ce travail d’enseignement. Le savoir passe par la transmission, et qui mieux que ces grands artistes pour faire profiter de leur expérience ? Ils ont appris, ils ont mis en pratique leurs connaissances, donc ils transmettent : quoi de plus logique ?
Il faut dire que recevoir un enseignement dans un tel lieu est un rare privilège. Dès que l’on pénètre dans cette salle du 2ème étage du Conservatoire de Musique, on est saisi par la dimension et la beauté du lieu. Une longue salle posée sur un plancher de bois blond craquant à souhait, au plafond orné de magnifiques poutres de bois brut. D’emblée le silence s’impose, l’atmosphère s’installe. Ensuite le piano fait résonner ses premières notes et la magie opère instantanément. L’acoustique y est excellente, que l’on soit au premier rang ou au dernier. La voix peut donc offrir toute sa beauté dans un tel écrin.
La classe de M. Lafont débute toujours par une lecture détaillée du texte qui sera ensuite chanté. Selon son expression très imagée, cela permet de « mettre les mots en bouche ». En effet, comment chanter correctement si l’on ne sait pas bien parler un texte ? L’articulation, l’art de dire les mots, de poser sa voix, de mettre en valeur les silences, de donner un rythme, des intonations… tout cela ne prépare-t-il pas au chant ? La réponse est évidente, mais pourtant elle ne le semble pas dans de nombreux conservatoires où cette pratique est souvent considérée comme une perte de temps ! En résumé il faudrait savoir courir avant d’avoir appris à marcher !!! C’est fort regrettable car si le mot est bien dit il ne sera pas nécessaire de « pousser » la voix.
Les élèves qui vont suivre ces classes sont au nombre de 3. Delphine et Marie soprano, et Clément baryton. Ils sont accompagnés au piano par M. Jean-Marc Fontana, pianiste et chef de chant à l’Opéra de Bordeaux. Les cours débutent vers 10h00 par des exercices destinés à « réveiller la voix ». Deux lettres ou un mot entier, répétés sur différentes tonalités : une sorte de « massage intérieur » qui préparera ensuite au chant, mais devra bien évidemment passer par une lecture approfondie du texte. Il ne s’agit pas simplement de lire les phrases avant de les chanter. Non : c’est beaucoup plus que cela ! Chaque mot est détaillé à l’extrême, pour ainsi dire lettre par lettre. Clément se prépare à chanter le rôle de Pélleas dans l’opéra Pélleas et Mélisande de Debussy. Dans ce cas précis, la compréhension du texte est primordiale pour adhérer totalement à cette œuvre difficile. Alors M. Lafont va s’attacher à le faire travailler mot par mot, en lui faisant répéter 10 fois, 30 fois le même mot, jusqu’à obtenir l’interprétation juste. Ensuite les phrases vont s’enchainer plus facilement et lorsqu’il faudra chanter tout se mettra en place naturellement. Puis vient le tour de Delphine qui doit enregistrer prochainement en Italie un disque de mélodies de Tosti. Là encore le travail est identique : un mot parlé, puis un autre, puis la phrase. Les mélodies reposent essentiellement sur le texte, la musique ne servant que de support harmonieux. Il est donc primordial de bien comprendre ce que l’on va chanter, mais surtout que le public comprenne également l’ensemble du texte afin de l’apprécier pleinement. Le cas de Marie soulève un autre problème : celui du bon choix de répertoire. Elle s’épanouie totalement dans le pur Bel Canto (Norma ou Giulietta) mais a très envie de chanter Turandot ou Le Trouvère. Elle s’essaiera donc au rôle de Liu (Turandot) mais sa sensibilité naturelle, ainsi que ses possibilités vocales et musicales, la dirigeront à nouveau vers Norma. Là aussi le rôle de conseiller de M. Lafont est primordial. Il ne peut interdire à Marie de chanter Liu si elle le souhaite vraiment, mais il peut lui faire ressentir combien elle est plus à l’aise dans Norma, sans mettre en danger sa voix. Une bonne dose de diplomatie est indispensable, mais l’intelligence de l’élève prend le dessus et elle se range à l’avis du Maître.
Au bout de 5 jours de travail, les résultats sont spectaculaires. Les principaux défauts sont corrigés, les mots bien placés, et le chant s’en trouve donc facilité. Samedi soir, dans un concert de fin de stage, les élèves sont heureux de faire découvrir les œuvres étudiées à un public nombreux et connaisseur. Le résultat sera 1h30 de pur bonheur, pour eux et pour nous. Le spectacle se conclura par deux airs chantés par M. Lafont : Le « credo » de Iago extrait de l’Otello de Verdi, et la chanson de Claude Nougaro « Toulouse » en hommage à cette ville dont est également originaire le célèbre baryton.
Les applaudissements fusent dans cette belle salle, pour remercier élèves, pianiste, organisateurs et enseignant. Merci à eux de nous avoir permis de vivre de si jolis et si agréables moments.
Corinne LE GAC
Saintes du 2 au 6 août 2016
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