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Des Lieder du Wunderhorn de Mahler et la Quatrième symphonie de Brahms en ouverture de saison au Théâtre national de Munich, un programme pour lequel le Bayerische Staatsorchester vient de recueillir un énorme succès à Tokyo lors de sa traditionnelle tournée japonaise. Rien que du bonheur, avec un Kirill Petrenkosoutenant le chant du baryton avec une tendresse aussi précise qu’attentive dans les Lieder, puis se faisant impérieux et fougueux dans sa direction de la symphonie de Brahms, et, toujours, sachant mettre en valeur les compétences tant collectives qu’individuelles des merveilleux musiciens de l’incomparable Orchestre d’Etat de Bavière.
Le Cor enchanté de l’enfant de Achim von Arnim et Clemens Brentano fut un des livres fondateurs qui, au début du 19ème siècle, avaien sonné le ralliement romantique autour du folklore et des traditions nationales et du retour à l’inspiration médiévale, des textes empreints de la fantasmagorie du surnaturel et qui allaient nourrir la poésie mystique des compositions de Mahler. Mahler y a trouvé matière à quatorze interprétations musicales dans lesquelles le compositeur ne se limite pas à une mise en musique, mais remanie parfois profondément le texte pour des compositions «humoresques, pour une voix avec accompagnement orchestral». Pour rendre l’humanité profonde de ces Lieder, il fallait un interprète hors du commun comme Matthias Goerne, qui se trouvait du voyage japonais pendant lequel il les a interprétés, ainsi qu’un de ses grands rôles, le Wofram de Tannhäuser. Goerne, qui a donné un Wozzeck magistral cet été à Salzbourg, déploie dans Mahler la généreuse palette de son expressivité émotionnelle de sa voix profonde, aux rondeurs chaleureuses, qui prend au coeur et au corps. Avec son timbre empreint de noblesse, il porte les textes transformés par Mahler comme un calice qui ne se peut éloigner, avec une tendresse infinie, à la mesure de la profonde tristesse face à l’abnégation et au fatalisme qu’il faut pour considérer l’humaine destinée, spécialement dans les poèmes qui disent la guerre et la disette, et la mort de l’enfant qu’une mère n’a pu nourrir faute de moyens.
En seconde partie, Kirill Petrenko dirige la symphonie en mi mineur de Brahms en en soulignant toute la fougue mais aussi toute la gravité, et nous propose une lecture précise de cette oeuvre exubérante de couleurs et qui contient tant d’idées savamment construites qu’il faut un grand maestro pour en dégager les grandes lignes. Pour cette symphonie qui semble parfois touffue, la force pédagogique de Kirill Petrenko se trouve dans la précision du détail et la mise en valeur des instrumentistes. Ce sont ici les cors si chantants dans l’Andante, si harmonieusement mariés aux flûtes au début du final pour triompher enfin dans une explosion vibrante. L’exécution sensible de l’andante et du scherzo est des plus remarquable. Et le public d’acclamer le retour de son chef et de son orchestre par une longue et vibrante ovation.
Luc Roger
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