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Le metteur en scène Herbert Fritsch a passé le Don Giovanni de Mozart à la moulinette d’un comique turbulent et musicalement iconoclaste. Jugez du peu: pas d’ouverture, elle est reportée pour permettre une entrée immédiate dans l’action, le texte est traduit en allemand et transformé avec des procédés dignes de l’opérette (Don Giovanni devient par moments Don Johnson, Leporello est nommé Mozarello), la musique est torturée au profit d’effets comiques ici de bégaiements là d’une diction aux rythmes endiablés. Le dramma giocoso a disparu au profit d’un jeu théâtral forcené et comique aux effets ultra-rapides et où domine la caricature hypertrophiée. Fritsch fait de la commedia dell’arte façon 21ème siècle, on assiste à un spectacle de divertissement grand public dont un des buts recherchés est peut-être de rendre l’opéra accessible.
La question est de savoir quel est le prix de la vulgarisation. Les mozartiens puristes ou orthodoxes passeront leur chemin. Par contre, si on veut passer une soirée de bon théâtre amusant au départ d’un opéra de Mozart ou si l’on veut assister à l’extraordinaire prestation d’un acteur aussi talentueux que Günter Papendell qui interprère Don Giovanni, le jeu peut en valoir la chandelle. Depuis trois ans, la mise en scène remonte à fin novembre 2014, les huées se mêlent aux bravi, mais, comme au fil du temps le public s’est dit le mot, les bravi l’emportent aujourd’hui.
Les costumes extrêmement colorés et dans le genre très réussis de Victoria Behr contribuent aux joies du spectacle. Ici aussi la caricature est au rendez-vous: Don Giovanni est une copie du Joker ennemi de Batman avec son masque blanc aux yeux cerclés de noir, sa bouche surdessinée dans un large rictus rouge sang, son caraco mauve sur pantalon mauve à motifs cachemire et bas et chaussures rouges. Dona Elvira (Nina Bernsteiner) en robe de soirée jaune canari à volants innombrables, les yeux cerclés de rouge avec des traces de larmes sanguinolentes sur les pommettes, Dona Anna (Birgitte Christensen) en énorme matrone aux chairs bouffies. Les choeurs en costumes espagnols ou alsaciens exubérants. Leporello (Philipp Meierhöfer) tout de noir vêtu porte une large fraise et des pantalons hyper bouffants. Les décors, dus au metteur en scène, sont d’abord inexistants au début du premier acte, puis constitués d’une série de grands voiles de dentelles descendant des cintres qui coulissent vers la gauche ou la droite créant des plans ou des entrées de coulisses dans la profondeur.
Les personnages sont tous stéréotypés, Don Giovanni en tête. Papendell compose un personnage au donjuanisme peu crédible, une espèce d’adolescent prolongé et totalement amoral , insensible aux malheurs des autres comme au sien propre d’ailleurs, un être imperturbable sans pourtant être jamais en repos, incapable de percevoir la douleur et qui poursuit machinalement son projet de séduction jusque dans la mort. Grand coup de chapeau pour son jeu d’acteur.
Une bonne soirée sans aucun doute, si l’on en croit les applaudissements nourris, mais dont Mozart est le grand absent.
Prochaine représentation le 28 mai 2017 . Pour les dates suivantes et la réservation, consulter le site du Komische Oper Berlin.
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