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Le nouveau projet d’Opera incognita, dû au bouillonnement créatif d’Andreas Wiedermann et à l’arrangement musical d’Ernst Bartmann, a connu sa première munichoise hier soir dans la salle Hubertus du château de Nymphenburg, après avoir été présenté avec succès à Dorfen fin avril.
Gianni Schicchi, le petit opéra comique de Puccini, a été créé en 1918, le Téléphone de l’italo-américain Gian Carlo Menotti date lui de 1947. L’excellente idée d’Andreas Wiedermann a été de présenter en une même soirée ces deux opéras comiques créés à 30 ans de distance, en raccordant Gianni Schicchi au Téléphone par l’ajout d’un petit épisode théâtral. Quand on assiste au spectacle, cela semble couler de source, et on a quasi l’impression d’un opéra unique en deux actes, d’autant plus qu’ils sont tous deux joués sans orchestre, avec au seul piano Ernst Bartmann, qui a proposé un arrangement très café-concert, proche aussi de l’accompagnement pianistique de cinéma-muet. Seule la langue diffère, mais là aussi l’ingéniosité inventive de Wiedermann a trouvé une solution de cohérence narrative.
La soirée commence avec le Téléphone, portable car l’action est rapportée à l’époque contemporaine. Ben (le lituanien Mantas Gacevicius) rend visite à Lucy (l’américaine Samantha Britt) à laquelle il veut faire sa déclaration, tout en étant limité dans le temps car il doit bientôt prendre un train pour partir en voyage d’affaires.. Il n’y parviendra cependant pas car Lucy est pendue à son téléphone portable, dont elle vient de faire l’achat. La solution sera téléphonique: en chemin vers la gare, il appellera sa bien-aimée et la demandera en mariage par téléphone.
Quelques semaines plus tard les fiançailles sont fêtées, et la famille italienne de Ben débarque au grand complet, car, dans la version Wiedermann, Ben est d’origine italienne. Bien entendu, Lucy a fait l’effort d’apprendre quelques mots d’italien pour accueillir avec grâce sa future belle-famille. Un vieil oncle richissime, Buoso Donati, est de la partie. Pendant la fête, l’oncle s’écroule raide mort. La famille trouve le testament et apprend qu’elle est déshéritée. Que faire? Appeler Gianni Schicchi (Herfinn Ámafjall, originaire de îles Faroe), bien connu pour sa débrouillardise mais pas trop intégré dans le clan familial…
On en est à présent coutumier, on passe une soirée exquise style café-théâtre avec l’excellente troupe d’Opéra incognita. On rit beaucoup aux drôleries des deux petits opéras si ingénieusement réunis qu’on dirait qu’ils n’en font qu’un. Les chanteurs et les chanteuses, outre leurs qualités vocales (ah les vocalises téléphoniques colorature de Samantah Britt, un régal!), sont tous des comédiens consommés. Et puis on s’y retrouve bien, cette famille qui court après un héritage, cela pourrait être la nôtre, et cette jeune femme accro au téléphone portable, nous la connaissons bien, c’est une de nos amies, cette cousine revêche (Zita, la belle-soeur de Buoso Donati, superbement interprétée par Carolin Zitter),à cheval sur la tradition et horrifiée par les mésalliances, c’est notre cousine…
La production a été réalisée avec peu de moyens financiers, mais avec des trésors d’intelligence. Les décors (Anton Empl), s’ils sont à minima, sont parfaitement efficaces, et la réussite du spectacle tient tant au talent qu’à l’extraordinaire enthousiasme de la troupe.
Envie de voir du vrai bon théâtre-musical à Munich? Les baladins d’Opera incognita vous attendent au château!
Le spectacle se joue encore deux fois la semaine prochaine: le vendredi 26 et le samedi 27 mai 2017, en la salle Hubertus du château de Nymphenburg.
Billetterie internet: München Ticket, www.muenchenticket.de ou par téléphone.089/ 54 81 81 81
Luc Roger
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