Giacomo PUCCINI fut un des plus grands représentants du mouvement musical appelé « vérisme » mais ne dit-on pas que c’est la découverte un soir à PISE de « AIDA » de VERDI qui serait le déclencheur de sa future carrière ? C’est en effet cet ouvrage qui lui donna l’envie de monter à MILAN pour s’inscrire au Conservatoire en octobre 1880 : il avait 18 ans. La route fut longue et semée d’embuches mais aujourd’hui la plupart de ses ouvrages sont des chefs-d’œuvre joués sur les scènes du monde entier. Qui ne connait pas « LA BOHEME » MADAME BUTTERFLY » « MANON LESCAUT » « TURANDOT »… ou « TOSCA » ?
Ce dernier ouvrage présenté actuellement sur la scène de l’Opéra de MARSEILLE fut composé entre 1898 et 1900, et représenté pour la première fois au TEATRO COSTANZI de ROME le 14 janvier 1900. L’œuvre posa à son auteur un problème, qui peut nous sembler minime de nos jours, mais ne l’était pas pour lui. Il s’agissait des cloches ! Comment trouver la juste tonalité lors du « TE DEUM » mais également pour celles qui ouvrent le dernier acte ? Il s’adressa donc à un ami prêtre qui l’invita au Vatican, et lui-même se déplaça au petit matin au Château Saint-Ange pour les écouter. Car il ne vous aura pas échappé que cet ouvrage débute dans une église et se termine au son des cloches des églises au matin de l’exécution de Mario. Se pose alors la question : qui a gagné ? le mal ou le bien ??? Cette « TOSCA » réunit tous les ingrédients d’un très grand opéra : l’amour sincère, la jalousie, le désir, la trahison et la mort. Tous ces sentiments sont traduits par une musique à la fois violente, sensuelle, caressante, subtile, composée principalement pour la femme. Qui mieux que PUCCINI a su composer une musique qui permet aux cantatrices d’exprimer aussi bien toute cette palette de sentiments ? Trouve-t-on plus grande amoureuse que cette TOSCA ou MIMI ou BUTTERFLY ? Même la glaciale TURANDOT finira par tomber dans ce si joli piège de l’Amour !
Cette nouvelle production de l’Opéra de MARSEILLE est loin d’être un chef-d’œuvre visuellement, mais heureusement vocalement nous sommes beaucoup plus chanceux. Honneur donc aux voix et honneur surtout à l’héroïne en la personne d’Adina AARON que nous retrouvons considérablement amincie. Elle est digne d’être mannequin, ainsi vêtue d’or dans cette magnifique robe des deux premiers actes. Vocalement aussi elle est superbe : la ligne de chant est fluide, suave, elle se glisse avec bonheur dans les moments doux et sensuels de cette partition. Elle est charmeuse, aimante, mais devient également violente, allant jusqu’au meurtre par désespoir, n’ayant trouvé que cette solution pour sauver son amour. Elle ira jusqu’au bout de ses forces (et de sa voix) pour nous faire partager ses sentiments et nous émouvoir au plus haut point : merci Madame.
Que dire de son Mario, incarné par le ténor italien Giorgio BERRUGI ? Physiquement il ne ressemble pas à grand-chose avec sa barbe de trois jours et ses cheveux plats retombant le long de son visage. En revanche, dès les premières paroles, on entend immédiatement que l’on a affaire à un musicien. La couleur vocale est séduisante, la puissance relative certes mais la musicalité remarquable. Pas de grands effets, pas de « grand bruit » comme certains ténors « à la mode » qui privilégient le gros son plutôt que la qualité. Avec lui au contraire nous avons droit à un chant discipliné (certains diront « trop »), élégant, bien conduit, très intériorisé. Si certaines notes du bas médium passent un peu inaperçues, en revanche les aigus sont montés surement et son « Vittoria » s’épanoui aisément.
Dans le rôle de l’affreux Scarpia, on retrouve le baryton mexicain Carlos ALMAGUER. Il donne à son personnage toute l’épaisseur voulue et s’impose aussi bien scéniquement que vocalement. Le timbre est sombre et profond, il alterne force et douceur pour faire plier cette femme qu’il désire tant, qu’il veut absolument conquérir. Seules quelques notes un peu trop ouvertes, trop appuyées, se révèlent un peu vulgaires mais elles sont largement compensées par l’ensemble de sa prestation.
Belle prestation également de la part tous les autres protagonistes, qu’il s’agisse du Sacristain de Jacques CALATAYUD ou de l’Angelotti d’Antoine GARCIN en passant par Spoletta de Loïc FELIX ou Sciarrone de Jean-Marie DELPLAS.
Que serait un ouvrage lyrique sans un bon chef d’orchestre ? Rien ! Chant et musique étant étroitement liés, il est essentiel pour les chanteurs de pouvoir se reposer sur un chef qui va les soutenir et même les aider en cas de défaillance. Ce fut d’ailleurs le cas ce vendredi soir lorsque pendant le duo de l’acte 2 le baryton a connu une légère hésitation sur une phrase. Le chef d’orchestre Fabrizio Maria CARMINATI l’a aussitôt relancé et tout est rentré dans l’ordre rapidement. Bravo à lui mais aussi à l’ensemble des musiciens et au chœur, formidablement dirigé par Pierre IODICE, qui sait toujours tenir sa place très correctement.
Je termine mon compte-rendu par ce qui m’a fâché : la mise en scène et les décors ! Rien à redire pour le premier acte, mais au deuxième acte quelle misère !!! N’a-t-on jamais vu un intérieur de palais aussi laid et miséreux ? Les « riches » appartements du Palais FARNESE ressemblent plutôt aux catacombes, et même si nous sommes dans un « sombre drame » nous aurions pu à ce moment précis avoir droit à une sorte de « respiration de couleurs » qui aurait été la bienvenue. Hélas rien de cela : noir c’est noir !!! Nous n’étions pas au bout de nos déceptions puisque M. Louis DESIRE a souhaité se démarquer en « revisitant » la mort de l’héroïne. Ici point de « saut de l’ange » mais une TOSCA en avant-scène, s’accrochant au rideau fermé, dans la lumière d’un unique projecteur. L’effet est beau, la symbolique forte (la lumière de Dieu), mais il est regrettable que cela n’ait rien à voir avec l’histoire originale. De quel droit vous permettez-vous de modifier ainsi la fin d’un opéra ? Sans doute est-ce trop « ringard » de laisser TOSCA se jeter dans le vide ? Et pourquoi ne se tire-t-elle pas une balle dans la tête pour rester en accord avec l’exécution de son amant ? S’il vous plait, arrêtez de vouloir faire « différemment » mais essayez surtout de faire « respectueusement ».
En conclusion, même si cette production ne devrait pas rester dans les annales de l’Opéra de MARSEILLE, nous avons eu la chance d’entendre à nouveau ce magnifique ouvrage très bien défendu musicalement et vocalement : n’est-ce pas le plus important ?
Corinne LE GAC