En troisième et dernier concert avec grand orchestre au Festival Richard Strauss de Garmisch-Partenkirchen, on a pu entendre l´excellent Orchestre symphonique national de la radiodiffusion polonaise sous la direction d´Alexander Liebreich, avec la soprano finlandaise Soile Isokoski en artiste invitée.
En première partie, Macbeth, une oeuvre que Strauss composa en la retravaillant et en en changeant l´instrumentation entre 1888 et 1891. Il en modifia notamment le final suite aux conseils d´Hans von Bülow. Il s´agit du premier poème symphonique du compositeur qui l´avait écrit peu après avoir assisté à une représentation du Macbeth de Shakespeare. Alexander Liebreich et l´Orchestre de la radio polonaise ont magnifiquement rendu la tension tragique et la fougue de l´oeuvre en nous faisant ressentir la progression vers folie meurtrière de Macbeth jusqu`au passage à l´acte avec un furioso superbe d´intensité.
Après ces déchaînements hallucinés, le programme conviera le public aux plus grandes des douceurs: six Lieder avec accompagnement d´orchestre interprétés par Soile Isokoski avec cette tendresse infinie qui la caractérise et une délicate palette de nuances pour transmettre par le chant les sentiments parentaux pour leur progéniture ou ceux de l´amante pour l´aimé. Das Rosenband, Wiegenlied, Meinem Kinde, Als mir dein Lied erklang, Morgen! et Cäcilie, chantés par la grande soprano straussienne à l´articulation parfaite, au chant radiant et lumineux et qui semble porteur de toute la tendresse de l´humanité. Soile Isokoski convoie la sérénité, la pureté des émotions et le bonheur contenus dans ces Lieder, parmi les plus beaux que le compositeur ait composés. Portée par les acclamations et les trépidations d´un public aux anges, elle lui offrira encore un Zueignung de la plus belle eau.
En seconde partie, on reste dans la tendresse avec Aus Italien, une oeuvre descriptive du séjour italien que fit le jeune Strauss en 1886, alors qu´il n´avait que 21 ans, et qu´il composa dans une facture extrêmement classique. Il évoque la campagne italienne, les ruines de Rome et le charme de la plage de Sorrente pour, dans le dernier mouvement, reprendre le thème de la célèbre chanson Funiculi funiculà composée par Luigi Denza en 1880, et sur laquelle Strauss s´essaya à des variations plutôt réussies. Il lui en coûta des dédommagements car Denza le poursuivit pour plagiat. L´oeuvre n´atteint en rien la magnificence de cette autre composition descriptive qu´est la Symphonie alpestre, mais la précision de la direction d´orchestre d´Alexander Liebreich, un chef spécialiste de la musique moderne et contemporaine, nous fait ressentir ce qu´elle contient de qualités en germe. Et on sort de la soirée avec l´envie de découvrir davantage le travail de ce grand orchestre polonais qui a totalement emporté l´adhésion d´un public de festivaliers ravis et de rentrer chez soi réécouter des Lieder de Strauss dans la plus sensible des interprétations, celle de Soile Isokoski.
Luc Roger